Bordeaux nationaliste, vie et (future) mort d’un groupuscule fasciste

Bordeaux nationaliste, vie et (future) mort d’un groupuscule fasciste

Depuis leur virée violente et raciste du 24 juin dernier en plein cœur de St Michel, jamais le groupuscule « Bordeaux nationaliste » n’avait autant fait le buzz. Il faut dire que la faiblesse numérique des troupes qui le composent (on parle de 10 à 12 personnes n’habitant même pas toutes sur la CUB) ne lui permet qu’en de très rares exceptions de faire parler de lui. Nous tacherons dans cet article de dresser un rapide inventaire (histoire, composition et actualité) de cette petite bande fascisante qui se retrouve depuis quelques temps sous la lumière des projecteurs.

Créé en février 2016, sous l’appellation « le menhir » (référence au surnom de Le Pen père), Bordeaux nationaliste est, à l’origine, entièrement inféodé au Front National d’Aquitaine.


Evénement organisé le 10 septembre 2016 par le FN33 – sur la photo de droite, Edwige Diaz, députée de la onzième circonscription de la Gironde, Thomas Bégué et d’autres personnes à l’origine de la création du Menhir.

En effet, comme le montre cet article, la petite troupe commence à se structurer pendant l’année 2016 au sein même du local du FN Girondin sous l’égide de leur meneur, l’inénarrable Thomas Bégué.


Thomas Bégué, ici en Ukraine en mai lors de l’opération organisée par différents groupes nationalistes français.

Nous en profitons d’ailleurs pour enjoindre Elisa Artigue-Cazcarra de Sud-Ouest, l’auteur de cet article à recouper un peu plus ses informations lorsqu’elle cite Edwige Diaz, la responsable locale du RN, qui assure ne pas connaitre les individus composant Bordeaux nationaliste.


Aux côtés de Thomas Bégué, Julie Rechagneux, Conseillère régionale RN de Nouvelle-Aquitaine, Edwige Diaz et Louis Aliot, ancien vice-président du FN. Edwige Diaz : « je ne les connais pas, ils sont à l’opposé de nos idées »

Au bout d’une année d’existence, en 2017, Thomas et ses quelques compagnons emménagent au 33 rue Brulatour, un local qu’ils n’ont toujours pas quitté à l’heure où nous écrivons ces lignes.


L’entrée du local de Bordeaux nationaliste, 33 rue Brulatour

Depuis cette date, nos apprentis fascistes ne feront parler d’eux qu’en de rares occasions, ce qui leur aura permis, jusqu’à présent, d’échapper à une mobilisation d’ampleur suffisante pour que ferme définitivement leur terrier.

Parmi les quelques faits notables survenus au cours de ces cinq années, citons tout de même juin 2017 et la venue du groupe In Memoriam en plein Bordeaux. Initialement prévu à St Quentin de Baron, les fafs avaient dû se rabattre, devant la mobilisation d’antifascistes et d’habitants du Libournais, sur le Havana Café près de la place de la victoire pour organiser leur concert.

Au-delà du côté désopilant de voir des néo nazis se trémousser devant des portraits de Che Guevara, deux éléments sont, selon nous, à retenir de cette soirée. En premier lieu le fait que Thomas Bégué et ses quelques potes n’hésitent pas à griller professionnellement un de leurs amis (Bernard Nouzarede, le gérant du Havana) pour ne pas perdre la face devant le facholand hexagonal, ensuite que ce concert n’aura pu se dérouler normalement uniquement grâce à l’aimable complicité de forces de l’ordre toujours enclines à protéger les fachos lorsqu’ils sont de sortie sur Bordeaux.

Autre fait marquant, toujours en lien avec leurs vaines tentatives afin d’organiser un concert, en mars 2019. Cette fois-ci le fiasco sera plus grand encore puisque la tête d’affiche (le groupe Lemovice) décommandera la veille après que des antifascistes aient révélé le lieu du concert (le grenier bordelais, sur les boulevards, un petit restaurant où les patrons ne cachent pas leurs accointances avec l’extrême droite la plus infecte). L’ersatz de concert aura lieu dans leur cachette de la rue Brulatour avec pour seul « groupe » les lyonnais de match retour en acoustique devant une quinzaine de pèlerins (et toujours sous la bienveillante surveillance de la maréchaussée). Un bon résumé de leurs déboires de l’époque est disponible ici.

A part ça, leur activité politique aura été réduite à peau de chagrin sur ces cinq dernières années, quelques « conférences » et soirées thématiques organisées de ci, de là, toujours devant les trois mêmes tondus. Quelques collages disparates (dont certains finiront très mal pour eux) ainsi qu’une timide balade dans le quartier de la gare St Jean en hommage aux morts lors de la tentative de coup d’état des ligues d’extrême droite de 1934, en février dernier. Promenade qui finira en véritable débandade pour eux et leurs amis lyonnais et toulousains venus pourtant leur prêter main forte lorsqu’ils croiseront la route d’antifascistes déterminés.


Les rues de Bordeaux ne sont pas sûres..

Pour ce qui est de sa composition, Bordeaux nationaliste draine une douzaine de membres depuis ses débuts, avec un turnover important et régulier.

Derrière Thomas Bégué, créateur et meneur du groupuscule on retrouve un certain Tristan Arnaud, originaire de Vendée et ayant fait ses armes en tant que militant fasciste à Clermont Ferrand. Déjà passé par la case prison, il fait partie des bordelais inculpés pour une bagarre pendant une manif anti passeport sanitaire à Toulouse le 11 septembre 2021. Selon nos informations, il aurait récemment déménagé et ne vivrait plus à Bordeaux.


Tristan Arnaud, ici accompagné de fascistes bordelais et toulousains en partie, lors de l’attaque d’une manifestation à Toulouse en septembre 2021.

Les frères Alos sont également à citer. Présents lors des exactions à St Michel, ils semblent aujourd’hui pleinement investis dans le groupuscule.


Fabien et Lucas Alos, posant lors de virée violente et raciste du 24 juin dernier.

Sur cette dernière photo, nous retrouvons d’ailleurs Florian Jorge et Roméo Duchet, tous deux membres de Bayonne nationaliste (les deux à gauche du groupe). Bordeaux nationaliste entretient des liens assez fréquent avec ce groupuscule fraîchement créé, rassemblant une poignée de brebis galeuses aux alentours de Saint-Jean-de-Luz.

A la lumière de leurs deux dernières sorties, une partie de Génération Z (dont nous parlons ici, semble avoir rejoint Bordeaux Nationaliste. Parmi ces recrues récentes, difficile de passer à côté du profil de Yanis. Cet apprenti militaire (il suit une formation pour l’armée auprès de la structure « Karma fit » à St Loubes, structure que côtoie également au moins une autre personne affiliée au groupe), originaire de Chambéry, semble avoir pris le lead lors des dernières sorties de ces pathétiques guignols. Se sentant investi d’une mission dont on ne comprend pas toujours clairement les tenants et aboutissants, ce fou de Dieu se permet des sorties sur Instagram que nous qualifierons pudiquement de lunaires (pour ne pas dire inquiétantes, tant pour sa santé mentale que pour les personnes qui pourraient croiser son chemin un soir de crise mystique).


Yanis, ici lors de la marche des fiertés et en plein échauffement pour sa guerre sainte. Sur son compte Instagram, les dérapages publics sont fréquents, promettant la mort de personnes identifiées comme antifascistes.

Autre membre actif de bordeaux nationaliste issu de Génération Z : Luca Cisilotto. Déjà présenté dans notre précédent article, cet ancien militant de l’Action Française était présent lors du déploiement de la banderole LGBTI-phobe lors de la Marche des fiertés.


Luca, en novembre 2021 lors de sa période GZ.

Enguerrand Ottaviani mérite lui aussi d’être cité au moins pour ses origines familiales. En effet, son père Robert Ottaviani est une vieille figure de l’extrême droite française. Ancien chanteur du groupe de RAC « Ultime Assaut », il servira par la suite la soupe à Marine Le Pen en présidant l’association « Energie Bleue Marine » puis en développant une mutuelle à destination des municipalités tenues par les fascistes comme à Beziers ou à Frejus (article de nouvelobs à ce sujet)


Robert Ottaviani avec David Rachline (maire RN de Fréjus) et son fils Enguerrand.

Pour ce qui est de son positionnement « politique » Bordeaux nationaliste s’inscrit dans l’héritage de groupuscules comme l’Œuvre Française ou encore Jeune Nation. L’antisémitisme le plus rance se mêle à une xénophobie exacerbée. Un véritable culte est voué aux notions de race et de virilité.

Comme tout groupe fasciste, l’alpha et l’oméga de leurs pratiques politiques tournent autour de la violence. Les membres de Bordeaux nationaliste cherchent à faire peur, et ce, par tous les moyens possibles et imaginables (ou tout au moins ceux à leur disposition). Et c’est là le principal écueil auquel se heurtent Thomas, Yanis et leurs petits copains. La réalité des rapports de force ayant cours dans la Cité du Port de la Lune ne leur permet pas de briller dans l’espèce de compétition malsaine à laquelle se livrent les différents groupuscules de la même obédience à travers la France (« zouaves Paris », « guignol squad » de Lyon ou autres « zoulous » de Nice).

En effet, toutes les semaines ou presque, les fascistes de toute la France s’affichent sur le canal Telegram néo-nazi « ouest casual ». La moindre exaction est alors montée en compte rendu où ces dégénérés se dépeignent en fiers guerriers, toujours victorieux et triomphants. Pour faire bonne figure, et c’est une nouveauté inquiétante qu’il ne faut pas négliger, Bordeaux nationaliste se livre lui aussi dans le compte rendu mensonger. On les a ainsi vu récemment agresser gratuitement des personnes présentées comme des membres de l’Offensive Antifasciste Bordeaux (en réalité de simples passants) et publier en suivant un compte rendu où ils prétendent avoir mis en déroute des antifascistes.

En résumé, s’il ne faut pas surestimer le poids et le danger que représente Bordeaux nationaliste, les sous-estimer serait une erreur plus grave encore. Entre les incidents de la place St Michel, la banderole à l’encontre de la communauté LGBTQIA+ déployée pendant la pride et ces dernières agressions gratuites sur des personnes isolées place Gambetta, il est plus que temps d’intervenir pour que disparaisse enfin ce groupuscule.  Nous lancerons dans les prochaines semaines une campagne pour, dans un premier temps, faire fermer leur local de la rue Brulatour. Nous appelons toutes les personnes intéressées à se joindre à cette lutte à prendre contact avec nous pour enfin débarrasser la ville de ces parasites.

Le fascisme c’est la gangrène, on l’élimine ou on en crève !

Bordeaux ville antifasciste !